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Documentos > Reunión de los Comités Habitat Europeos (1995) > http://habitat.aq.upm.es/rech/a005.html

Les Gouvernements Nationaux, les Villes et la Société face a la Conference Habitat II, Istanbul 1996


Ministère des Travaux Publics, des Transports et de l'Environnement, MOPTMA
Madrid (Espagne), novembre 1995

(Arguments pour une prise de position européenne)
Introduction à la Réunion des Comités Nationaux de l'Union Européenne.



1. Conférences des Nations Unies et globalisation


Depuis la Conférence de Rio sur l'Environnement et le Développement (1992), les conférences des Nations Unies ont permis de mettre l'accent sur un certain nombre de problèmes qui se posent à l'ensemble de l'humanité, grâce à l'intervention simultanée de trois facteurs :

La globalisation de l'économie, principalement due à la révolution des télécommunications. Les économies locales et nationales se sont ouvertes et chaque région, par action ou omission, dépend du reste du Monde. Il est désormais impossible de résoudre les problèmes de façon isolée, tant d'un point de vue sectoriel (par exemple, seulement l'aspect environnemental) que régional (par exemple, seulement du point de vue méditerranéen).

La fin de la guerre froide et de la politique des blocs a permis l'apparition de nouvelles relations entre les Etats. Certes, la globalisation a fragilisé le rôle des gouvernements nationaux, mais elle les a cependant converti en acteurs principaux de la problématique de régulation politico-économique à l'échelle mondiale (Conférences de la Paix, GATT, etc.). Ce sont les gouvernements qui représentent les collectivités humaines au sein des organismes et des conférences internationales.

Le développement du "village planétaire" de l'Information a créé des conditions plus favorables au développement de valeurs universalistes. Les droits de l'homme, la protection de l'environnement, la lutte contre la pauvreté ou le rejet de la violence, sont aujourd'hui des valeurs pleinement partagées. Il ne s'agit plus uniquement de "penser globalement et d'agir localement". Pour le comprendre, il suffit d'observer l'importance prise par les ONG, les réseaux alternatifs de télécommunications (comme l'a été initialement Internet), les réseaux de collectivités qui stimulent les initiatives de développement local pour la génération d'emplois (l'autre face de la globalisation de l'économie), etc. Même les acteurs les plus traditionnels de la société civile sont amenés à jouer sur la scène internationale : Chambres de Commerce, Organisations Patronales, etc. En raison de sa propre nature dans certains cas (par exemple, les ONG internationalistes) et du caractère public de son activité (par exemple, congrès mondiaux d'organisations PV), l'activité internationale de la société civile est un facteur essentiel de la construction d'une conscience universaliste.

Par l'association de ces trois facteurs, les conférences des Nations Unies, telles que Rio 92 (Environnement et Développement), Vienne 93 (Droits de l'Homme), Le Caire 94 (Démographie), Copenhague 95 (Développement Social), Beijing 95 (Femmes) ont montré, malgré leur caractère très spécialisé, une approche intégrale des problématiques de l'humanité.

En outre, ces Conférences ont largement dépassé leur caractère formellement intergouvernemental, tant dans leur préparation que dans leur déroulement et de leur postérieure mise en application (les Agendas 21). D'une part, l'intervention des organisations non gouvernementales, au sens le plus large du terme, s'est sensiblement accrue : participation aux Prepcom, aux Comités Nationaux et aux Délégations, aux Forums alternatifs, aux Comités et aux Conférences de Suivi, etc. D'autre part, les conférences des Nations Unies sont devenues de grands événements médiatiques, ayant une considérable répercussion sur l'opinion publique, et donc un grand pouvoir de diffusion et de légitimation des problématiques, des propositions et des accords.



2. La "glocalisation"


L'approche globale des problématiques, le caractère intégral ou interdépendant des propositions et la vocation universaliste des valeurs exige une piste d'atterrissage, voire deux, comme dans les grands aéroports. La première piste correspond aux Etats, ou aux nations représentées par leurs Etats. Il s'agit d'une part du cadre principal des politiques publiques, et d'autre part des seuls acteurs capables de prendre des décisions de caractère général dans les relations internationales. Mais cela ne suffit pas.

Les Conférences des Nations Unies, ainsi que l'expérience des organisations internationales, tant mondiales que régionales (Banque Mondiale, Union Européenne, etc.) ont remis en avant la dimension locale, selon deux aspects principaux : a) le domaine d'application des politiques intégrales (par exemple, l'environnement, la promotion économique et l'intégration sociale) ; b) le cadre de la concertation entre les administrations publiques et les acteurs privés. Les principes de subsidiarité ou de proximité de la gestion publique, ainsi que de participation ou de coopération de la société civile, ont été mis en valeur.

Aujourd'hui, la dimension locale est très liée à l'urbanisation. La majorité de la population vit dans des agglomérations urbaines, voire même dans de nombreuses régions du globe (en Europe, mais également en Amérique et dans une partie de l'Asie), l'agglomération urbaine représente la forme de vie et d'établissement de la quasi totalité de la population.

Par conséquent, les conférences des Nations Unies, en particulier les Agendas 21 destinés passer leurs accords à la pratique, attribuent un rôle essentiel aux gouvernements locaux, en particulier en matière de développement de la politique urbaine.

D'où le concept de "glocalisation", c'est-à-dire d'une articulation entre le global et le local. Cette notion s'applique actuellement aussi bien à l'économie (la ville en tant que milieu économique propice à l'optimisation des synergies) qu'à la culture (les institutions locales et leur relation dialectique avec l'universalisme informationnel pratiqué par les médias). Dans ce cas, la "glocalisation" signifie une mise en valeur du milieu urbain et du rôle de gestionnaire-coordinateur-promoteur des gouvernements locaux, afin de mettre en oeuvre des politiques qui tiennent compte et se positionnent par rapport à un certain nombre de référentiels globaux. En bref: globalisation et proximité.

La progression de la glocalisation est cependant freinée par un certain nombre de paradoxes:

Les Conférences des Nations Unies sont de nature intergouvernementale. Les autorités locales sont généralement absentes, ou n'ont qu'une présence symbolique au sein de rares délégations et de manifestations "spéciales". En toute logique, elles ont également une activité marginale dans les Forums alternatifs. Ce statut de capitis diminutio caractérise la position des autorités locales au sein des organismes et des conférences internationales, même lorsque les sujets traités sont d'intérêt local.

La pratique de la concertation à trois bandes - c'est-à-dire entre les organismes internationaux, nationaux et locaux - pour l'élaboration et/ou l'exécution de programmes est très peu fréquente. Il en va de même de la contractualisation des relations entre les administrations nationales et locales pour l'exécution de projets ou la prestation de services. Dans ce domaine, la jeune expérience européenne est particulièrement intéressante, et peut même susciter l'intérêt d'autres régions du globe.

La reconnaissance de la dimension locale des problématiques économiques, sociales, démographiques, culturelles et environnementales est en contradiction, tant avec l'inertie des administrations nationales, qui agissent selon une logique sectorielle-verticale, qu'avec la fragmentation des pouvoirs locaux. A l'heure actuelle, les zones urbanisées sont bien souvent des zones urbaines-régionales sur lesquelles agissent différents organismes locaux ayant des compétences propres, voire exclusives, mais ne disposant pas des moyens légaux, territoriaux ni financiers pour les exercer de façon appropriée. L'expérience la plus intéressante est celle des villes (américaines, européennes, mais également austro-asiatiques) qui ont élaboré des plans stratégiques ou des projets globaux-concertés de Ville, ou qui ont réalisé un ensemble de projets intégraux ou polyvalents.

Les gouvernements locaux souffrent fréquemment d'une certaine fragilité politique, qui n'est pas très propice à la construction d'un leadership promoteur dans la ville ni aux relations de coopération avec la société civile. Sous cet aspect également, l'apport de l'Europe peut être intéressant, tant en raison de sa longue tradition d'autonomie locale que des expériences plus récentes en matière d'action intégrale dans les villes.

L'accent mis sur la coopération sociale et la participation citoyenne est bien souvent en contradiction avec l'éloignement existant entre les institutions politiques et les citoyens et avec les pratiques bureaucratiques des administrations. Mais il apparaît également des phénomènes positifs, tels que le prestige croissant des autorités locales par rapport à d'autres pouvoirs plus éloignés de la société civile, l'initiative collective des individus, véritables créateurs de la ville - dans une plus large mesure que l'administration ou le marché - ou la multiplication de diverses formes de coopération en raison de la complexité et de l'interdépendance des problématiques locales (par exemple, sécurité des citoyens, urbanisation et emploi).

En résumé, la "glocalisation" est aujourd'hui une réalité rarement institutionnalisée, mais qui n'en est pas moins forte. Or sa réglementation n'est possible qu'avec l'intervention des gouvernements nationaux, qui sont seuls médiateurs disposant des moyens et de la légitimité formelle pour le faire.



3. La Conférence d'Istanbul.


La Conférence Habitat I, tenue à Vancouver en 1976, a proclamé le droit au logement, ou plus précisément le droit de tous les individus à accéder à un logement socialement digne et légalement reconnu. Il semble important de maintenir ce principe ou cette considération du logement comme un droit de l'homme, similaire à l'éducation, à la santé et à l'emploi, à l'égalité de la femme, ou à la sécurité personnelle (tant en ce qui concerne la violence que l'arbitraire). Il convient cependant de développer ce droit selon au moins trois aspects :

Le processus d'urbanisation ne se traduit pas obligatoirement par l'existence d'une ville, c'est-à-dire une concentration de population caractérisée tant par son hétérogénéité (sociale, culturelle, économique, professionnelle) que son égalité (droits formels, mobilité, accès à l'emploi et à la culture, etc.). L'urbanisation sans ville signifie en outre l'existence d'espaces définis par des flux, de territoires aux limites imprécises ou superposées et de lieux sans attribut et par là-même sans capacité d'intégration symbolique. Il s'agit de zones dans lesquelles l'intégration de l'Etat est toujours faible, la réglementation légale rare et l'accès à la justice et aux services publics urbains déficient ou inégal. De fait, le droit au logement doit être aujourd'hui lié au droit à la ville. Pour cela, la formule lancée par M. Boutros-Ghali au premier Precom (Genève, 1994), de "Sommet des Villes", avait un caractère plus prophétique - dans le meilleur sens du terme - que descriptif.

Dans les zones urbaines, où vivra ... de la population européenne au début du XXIe siècle, le logement n'est viable que s'il intègre un ensemble composé de services essentiels (eau, assainissement, énergie, etc.), alliés à la disponibilité des moyens de transport et à l'accessibilité aux activités principales, ainsi qu'à la formation permettant d'acquérir les qualifications requises pour trouver un emploi et une reconnaissance sociale, et enfin à l'occupation légale du sol et à la reconnaissance juridique et culturelle de la zone ou du quartier en tant que partie intégrante de la ville. L'habitat urbain est la somme de tous ces éléments, et non un élément isolé. Les citadins doivent donc avoir le droit d'accéder à un milieu légalisé, socialement mis en valeur, équipé, accessible et éducateur.

L'habitat et son entourage doivent garantir la cohabitation et la sécurité. Dans les sociétés urbaines, cette garantie est donnée par l'Etat de droit. Si la présence de l'Etat (police inclue) est faible, si la justice est pratiquement inaccessible à la population des périphéries urbaines et si les prestations sociales (en particulier celles dites de "discrimination positive") ne sont pas accessibles à tous, l'habitat urbain ne joue pas son rôle fondamental, qui consiste à offrir une sécurité et à faciliter la cohabitation. Le droit à la sécurité et à un traitement adéquat doit donc être donné à tous les citadins, de sorte que l'Etat de droit soit réellement accessible.

L'Europe, de par sa double condition de berceau des droits de l'homme et de continent de villes, peut contribuer de façon importante à Istanbul 96.

Pour que cet apport soit bien compris, nous croyons que le déroulement de la Conférence doit inclure des propositions relativistes associées à l'affirmation de principes universalistes. Pour cela, les documents et les accords de la Conférence doivent reconnaître la spécificité des processus et des formes d'établissements humains dans chaque région du monde.

Cependant,le processus d'urbanisation est irréversible et, dans toutes les cultures, la ville est la forme la plus complexe et satisfaisante d'organisation sociale. La ville, non l'urbanisation. La ville, grande ou petite, mais dense, cohérente, polyvalente et bien desservie.

La ville n'est pas uniquement le produit de la fatalité historique ni le résultat d'un marché abstrait ou d'une expression de la volonté politique d'un souverain. La ville est également l'oeuvre de ses habitants, de leurs travaux et de leurs illusions. D'une part, dans une large mesure, la ville a été construite par ses habitants, pratiquement en marge de la loi et du marché, surtout dans les pays en voie de développement. D'autre part, la vie sociale urbaine, probablement la plus grande richesse de nos villes, est le résultat de l'action quotidienne et conjointe de ses habitants.

La reconnaissance de ce concept ne justifie pas l'omission des organismes internationaux ou des gouvernements nationaux dans le processus de construction de la ville. Bien au contraire, l'avenir des villes dépend aujourd'hui du développement de politiques ambitieuses destinées à utiliser la potentialité des axes ou des systèmes urbains auxquels ils s'intègrent ou peuvent se connecter, de l'utilisation efficace de leurs ressources environnementales et de leur promotion extérieure, dans le but de promouvoir l'emploi et une indispensable cohésion sociale interne. Construire la ville, en tant que forme principale de régulation des processus d'urbanisation, signifie faire un choix volontariste qui se répercute sur toutes les dimensions et sur tous les niveaux de la politique.

Les formes d'organisation politique de chaque pays ont leurs propres spécificités, mais de la même façon que la démocratie est désormais devenue une valeur universelle, la décentralisation des systèmes politiques nationaux semble un corollaire indispensable de la globalisation économique, de la création de structures supra-étatiques, de la complexité socio-économique et de la nécessité de multiplier les mécanismes de coopération publique et privée.

Par conséquent, la revendication de la démocratie et des autonomies locales, l'innovation permanente destinée à développer la participation citoyenne, l'égalité politique et juridique de tous les habitants et la définition concertée des projets de ville, nous semble des conditions fondamentales pour une bonne gestion des établissements humains.

La conférence intergouvernementale Habitat II devrait permettre de réaliser un grand pas en avant dans le processus d'intégration et de concertation politique au sein des villes, ainsi que de renforcement de la participation des gouvernements locaux et des organisations citoyennes au développement.

Il est également important de développer la participation des gouvernements locaux à la vie internationale, en vue d'une meilleure mise en pratique des accords et des propositions de la Conférence. Le développement de ces politiques requiert également que les gouvernements locaux et les organisations citoyennes multiplient leurs échanges et leur coopération et qu'ils soient présents aux Forums internationaux, c'est-à-dire qu'ils se renforcent mutuellement. Etant donné que les objectifs et les valeurs universalistes imprègnent les situations particulières de chaque région du monde, les représentants locaux doivent être constamment présents sur la scène internationale, par le biais de leurs organisations, afin de se sentir co-responsables des accords et des initiatives des organisations et des conférences intergouvernementales.

En ce sens, l'Assemblée Mondiale des Villes et des Autorités Locales (AMCAL), convoquée par toutes les organisations internationales de villes conjointement à la conférence Habitat II, à laquelle participeront certains de ses représentants, est particulièrement importante.



4. Politiques urbaines nationales.


Malgré leur culture traditionnelle de "souveraineté" et la logique hiérarchique et sectorielle de leurs administrations, les gouvernements nationaux ont accepté, dans la pratique, la nécessité de formaliser les plans et les projets territoriaux avec les autorités régionales et locales, et de jouer un rôle de coordination et de gestion de ces dernières, afin de faciliter l'application de politiques intégrées.

Simultanément, les villes tendent à accepter et à réclamer aux gouvernements nationaux d'assumer une importante partie de responsabilité dans l'exécution de projets et la gestion de services qui dépassent les possibilités des gouvernements locaux, tels que les infrastructures de communication et de télécommunications, le système de transports, les grands équipements économiques et culturels, les projets environnementaux liés à un développement durable ou les politiques de génération d'emploi et de cohésion sociale.

Ces projets et services ont des envergures territoriales spécifiques, définies sur la base de problèmes ou d'opportunités environnementales, sociales et économiques, qui doivent faire l'objet, dans de nombreux cas, d'une responsabilité partagée entre les autorités locales, régionales, nationales et les organismes communautaires.

Dix critères en faveur d'une politique urbaine nationale.

Compte tenu de la diversité des formes d'organisation des Etats nationaux européens, il a été délibérément choisi de rédiger ce chapitre depuis la perspective d'un Etat Fédéral, ce qui le rend plus facilement applicable à des pays comme l'Allemagne ou la Belgique. Pour la plupart des pays européens, il conviendra de faire dans certains cas un transfert terminologique, et de remplacer "fédéral" par "étatique", et "étatiques" par "régionaux".

  1. Les grandes villes font aujourd'hui l'objet d'une attention particulière de la part des gouvernements nationaux, et ceci pour deux raisons principales : a) Leur problématique dépasse la simple portée du gouvernement local ou communal, tant du point de vue du territoire et de la population concernée, que des compétences et des ressources. b) La globalisation de l'économie et la notion de développement durable, ainsi que les processus de décentralisation politique, lancent de nouveaux défis, puissants, qui ne peuvent être relevés que par une action concertée entre les institutions politiques et la société civile.

  2. Il est nécessaire de faire une distinction entre les politiques urbaines relevant de la compétence du Gouvernement Fédéral, et celles devant être assumées par les états, qui relèvent de la compétence des gouvernements locaux. Il convient de développer progressivement les principes du fédéralisme coopératif pour les appliquer aux politiques urbaines, c'est-à-dire réduire les relations hiérarchiques et utiliser des relations contractuelles. Ceci ne signifie pas pour autant qu'il faut négliger les fonctions du Gouvernement Fédéral, bien au contraire: les villes, de par leurs problèmes et leurs potentiels économiques, culturels, sociaux et environnementaux, représentent un défi nécessitant une volonté politique d'intégralité de la part des gouvernements.

  3. Au niveau fédéral, le développement doit se produire à partir de critères de base (égalité), de grandes marges d'autonomie locale (liberté) et d'actions équilibrées et de redistribution (solidarité). En réalité, il s'agit plus d'une question de coopération politico-financière que légale.

  4. Cette politique nécessite cependant une approche stratégique d'interventions intégrales sélectives, qui permette d'optimiser une action disposant toujours de ressources limitées et devant stimuler et non freiner d'autres initiatives (publiques ou privées), tout en évitant l'apparition de nouveaux problèmes découlant d'un manque d'anticipation sur les répercussions économiques, sociales et environnementales des actions mises en oeuvre.

  5. Pour cela, la politique fédérale doit développer une capacité et une disponibilité qui permettent de coordonner les administrations publiques ; or, dans bien des cas, ceci est plus difficile à obtenir que la coopération entre le public et le privé. Une bonne méthode consiste à articuler la vision intégrée que peuvent apporter les villes (ou les états, ou les régions dans certains cas), particulièrement si elles sont pourvues d'un Plan Stratégique, avec les plans et les programmes d'investissements du gouvernement fédéral. Les formules sont diverses : Consortiums, contrats-programmes, participation dans les organismes du Plan Stratégique, holding de financement et/ou entreprises mixtes d'exécution de projets, etc.

  6. Les gouvernements fédéraux et étatiques doivent opter pour un renforcement du système de villes, c'est-à-dire concevoir et développer une politique de communications qui améliore l'accessibilité externe (ports, aéroports, voies ferrées et autoroutes) et interne (rocades périphériques, système intermodal de transport public, nouveaux services centraux) et mettre en oeuvre de puissantes infrastructures de télécommunications. Les gouvernements fédéraux doivent également considérer le problème des villes comme "une richesse de la nation" et contribuer à la réalisation d'infrastructures de soutien à l'activité économique, par des actions singulières et différentielles, propres à chaque ville et à ses particularités régionales, telles que: zones intégrées d'activités logistiques, zones de foires-expositions, sièges d'organismes nationaux et internationaux, parcs technologiques et scientifiques incluant les Universités et les secteurs économiques locaux, la promotion des villes et du tourisme, la conception et la promotion de grandes manifestations culturelles ou sportives, etc. La définition, le financement et l'exécution de ces actions requièrent généralement la coparticipation de plusieurs niveaux de gouvernements et d'agences ayant chacun des compétences complémentaires.

  7. Le concept d'un développement environnemental urbain durable et la modification de l'actuelle non durabilité du fonctionnement des villes en termes de production, de consommation et de mobilité, requièrent la coopération des gouvernements fédéraux avec les autres niveaux. Les gouvernements fédéraux doivent garantir l'amélioration du patrimoine naturel (quantité et qualité des ressources naturelles) à une échelle appropriée, ainsi que la diminution des impacts globaux sur l'environnement (déforestation, biodiversité, effet de serre et changement de climat, etc.) par le biais de politiques favorisant une évolution positive des écosystèmes. Pour cela, il convient de garantir, au sein des villes, l'existence et le bon fonctionnement d'infrastructures et de services essentiels (tels que : réseaux hydrologiques et de transport, flux d'énergie et de matériaux), ainsi que les actions environnementales permettant de restaurer les écosystèmes dégradés. Dans de tels cas, l'action du gouvernement fédéral ne suppose pas obligatoirement une gestion ou une exécution directe - il est généralement préférable que ce soit l'autorité la plus proche qui s'en charge, avec intervention de la société civile - mais par contre un contrôle et une participation financière.

  8. Les gouvernements fédéraux doivent promouvoir des politiques de cohésion sociale destinées à l'intégration sociale des groupes exclus, ainsi qu'à la prévention de groupes vulnérables potentiellement sujets à des dynamiques d'exclusion. Les programmes sociaux (éducation, santé, emploi, pauvreté, etc.) et en matière de logement sont développés par les gouvernements locaux et étatiques, le gouvernement fédéral établissant alors les cadres législatifs et financiers nécessaires à la promotion de l'égalité des citoyens. Les situations critiques ou les déficits structurels requièrent des politiques publiques concertées, pouvant être encouragées par le gouvernement fédéral, telles que celles déjà mises en oeuvre par certains pays européens pour intervenir auprès des zones urbaines en crise, ou même par la CEE, comme l'initiative URBAN. Dans certains cas, il conviendra de développer des programmes nationaux articulant l'action de tous les agents impliqués, des organismes internationaux aux organisations sociales.

  9. Le niveau fédéral doit fournir un cadre relationnel entre les différents niveaux de gouvernement facilitant la coordination des actions entre les administrations et la participation du secteur privé, en termes d'efficacité économique et sociale, en application du principe de subsidiarité. Les mécanismes d'action doivent être ouverts à la participation des agents et des organisations ou des individus les mieux adaptés à chaque cas, et être contrôlables. Aux niveaux les plus proches des citoyens, il sera ainsi possible à la société civile d'acquérir des responsabilités dans certaines fonctions de gestion de la ville, et de développer l'articulation sociale ainsi que le sens de l'appartenance et de la responsabilité vis-à-vis des espaces et des services. De telles considérations conduiront, dans bien des cas, à de nouvelles approches en matière de gestion professionnelle des services et de collaboration avec les ONG, ainsi qu'à un volontarisme vis-à-vis des activités publiques, et à de nouvelles approches en matière de décentralisation administrative communale, de participation des communautés locales, d'élection des représentants locaux et de leur relation avec les citoyens.

  10. Au niveau fédéral, il convient de disposer d'un Observatoire urbain, actualisé en permanence, qui puisse être le tableau de bord des programmes d'action orientés vers les villes. La recherche d'indicateurs significatifs pour le suivi de l'évolution des processus urbains doit être facilitée par un approfondissement de la problématique spécifique des villes et un éclaircissement des liens existant entre les différents problèmes, de sorte qu'il soit possible d'améliorer progressivement la connaissance, les formes d'action et les résultats de cette dernière.



5. Le nouveau rôle des villes européennes


Les villes européennes réagissent aux nouveaux défis lancés par la "glocalisation". L'expérience de la dernière décennie peut se résumer en une phrase : de la gestion locale à la promotion globale, par le jeu de la compétitivité économique et de la cohésion sociale. Mais le système territorial européen doit relever le défi d'améliorer cette expérience et de s'orienter vers un développement durable, tel que le définit le traité de l'Union Européenne.

Le changement de rôle que les villes sont actuellement en train d'expérimenter suppose une remise en cause des compétences, des fonctions et de l'organisation des gouvernements locaux, qui doivent désormais être capables de répondre aux nouveaux défis urbains et de construire, puis de diriger, un projet de ville. Les villes ont besoin d'un gouvernement local capable de détenir un leadership promoteur.

Le principe qui légitime le gouvernement local est celui de la proximité, puisqu'il permet d'établir une relation directe et immédiate entre l'organisation représentative et la structure administrative, et le territoire et la population.

Mais la ville et le gouvernement local ne sont plus les mêmes. La ville d'aujourd'hui est, fréquemment, pluricommunale ou métropolitaine, avec une nette tendance à structurer de façon fonctionnelle un espace régional discontinu et asymétrique. Il est difficile d'estimer la population urbaine, car les utilisateurs du centre ville sont parfois aussi nombreux, voire plus que les propres riverains. Les administrations publiques et para-publiques intervenant dans la ville sont nombreuses et leurs compétences et fonctions sont parfois partagées, parfois concurrentes et quelques fois confondues (ou justifient mutuellement leur omission). La ville se définit en particulier par son caractère central, et le gouvernement local doit assumer des fonctions pour une population et un territoire qui sont en réalité beaucoup plus vastes. Finalement, il doit exercer ces fonctions de façon ouverte.

Il en résulte un certain nombre de conséquences en matière d'approche de l'organisation du gouvernement : celle-ci doit reposer sur une autonomie suffisante d'auto-organisation, d'action dans certains domaines touchant les citoyens et de disponibilité de ressources propres.

En premier lieu, il est nécessaire d'établir un nouveau type de relation avec les administrations publiques dites "supérieures" (en particulier, le gouvernement central). Sous réserve d'une plus grande reconnaissance de l'autonomie locale, il convient de développer les relations contractuelles destinées à exercer conjointement les compétences et les fonctions requérant obligatoirement une coopération inter-administrative (par exemple, infrastructure des communications et financement du transport public, promotion économique du territoire, sécurité des citoyens, grandes opérations de développement urbain, politiques environnementales et lutte contre la pauvreté, etc.). Les contrats de ville semblent destinés à se convertir en nouveau paradigme des relations entre les administrations publiques.

En second lieu, dans le domaine métropolitain, le gouvernement territoriale exige presque toujours d'aller au-delà de la simple relation contractuelle, mais cela ne signifie pas nécessairement la création d'un nouveau gouvernement local ou départemental, éliminant ou assujettissant les gouvernements communaux.

En troisième lieu, l'organisation politique locale ne peut se baser, comme elle le fait aujourd'hui, sur une dichotomie exécutif-législatif, sur une administration centralisée et sur une séparation rigide entre le secteur public et privé, car un tel système nuit à la continuité de la gestion municipale. Les formes de gestion et contractuelles doivent garantir l'agilité et la transparence, et répondre à des critères d'efficacité économique et sociale.

Par conséquent, le gouvernement local doit assumer un niveau de responsabilité dans le cadre de l'exercice de compétences et de fonctions qui, traditionnellement, ont toujours été réservées à l'Etat (par exemple, la justice et la sécurité) ou au secteur privé (par exemple, activité d'entreprise sur le marché). Ce niveau de responsabilité doit aboutir à la reconnaissance du droit et des moyens nécessaires pour agir, par l'attribution de compétences légales spécifiques ou de la capacité à exercer un rôle de leadership ou de coordination vis-à-vis d'autres administrations et du secteur privé.

Les nouvelles fonctions que la société attribue aux villes et que les gouvernements nationaux doivent aider à promouvoir, pour aider les gouvernements locaux à assumer un rôle de leadership promoteur sont les suivantes :

a) La promotion de la ville à l'extérieur, par le développement d'une image forte et positive reposant sur une offre d'infrastructures et de services suscitant l'intérêt des investisseurs, des visiteurs et des utilisateurs de la ville, et favorisant le développement de l'activité économique locale, contribue à la satisfaction des besoins de la ville et permet l'"exportation" de biens et de services. Cette fonction doit se développer à travers la création de conditions favorables à sa prise en charge par les agents publics ou privés, à travers des planifications, des programmes spécifiques, des sondages d'opinion et des campagnes de promotion, etc.

b) Utiliser les méthodes de concertation auprès d'autres administrations publiques et de coopération entre le public et le privé pour réaliser ladite promotion extérieure et les travaux et services que les déficits cumulés, les nouvelles nécessités urbaines et le changement d'échelle de la ville exigent. La concertation et la coopération requièrent une initiative politique, une innovation légale et financière, et un consensus de la part des citoyens.

c) La promotion interne au sein de la ville, visant à doter ses habitants de "patriotisme civique", de sens de l'appartenance, de volonté collective de participation, de confiance et d'aspiration pour l'avenir de la ville. Cette promotion interne doit s'appuyer sur des travaux et des services visibles, tant ceux de caractère monumental ou symbolique, que ceux destinés à améliorer la qualité des espaces publics et le bien-être des individus.

d) L'innovation politico-administrative, dans le but de générer divers mécanismes de coopération sociale et de participation des citoyens. Le rôle promoteur du gouvernement local consiste en grande partie à stimuler et à orienter les énergies de la population vers le bien-être collectif et la cohabitation civique. Quatre exemples : emploi, sécurité des citoyens, gestion durable des services tels que l'eau ou l'énergie, et entretien des équipements et des espaces publics. Il s'agit de différents types de problématiques, qui requièrent un traitement local (quels que soient les facteurs responsables et les organismes compétents) et une considérable capacité d'innovation et de coopération. Aucune action étatique ou publique unilatérale, ni même le marché ne pourront les résoudre. Il est donc nécessaire de définir un nouveau bloc concurrentiel et de nouvelles formes de gestion pour le gouvernement local et les administrations locales.



6. Conclusions sur l'Agenda HABITAT et la politique urbaine en Europe.


Les dix lignes d'action proposées ci-après en matière de politique urbaine européenne s'appliquent tant aux gouvernements nationaux (ou étatiques) que locaux, et dans une moindre mesure aux organismes communautaires et à la société civile. Il nous semble que ces lignes d'action peuvent constituer un apport commun européen à la Conférence Habitat II.

a) La compétitivité de l'ensemble du territoire, basée sur le renforcement du système urbain et donc sur le développement des communications et des services centraux. Choix d'une compétitivité intégrant l'ensemble du territoire. Les grandes et moyennes villes sont perçues comme des points forts de la communication et de l'échange (économique et culturel) avec le reste du monde.

b) La durabilité du système urbain doit s'aborder sous plusieurs aspects:

c) Développement d'un modèle de ville qui englobe la continuité formelle, la proximité fonctionnelle et la diversité sociale. La conception des grandes villes, en particulier, doit promouvoir la création d'un ensemble de services centraux, et l'organisation d'infrastructures facilitant l'accessibilité et renforçant l'attrait de chacune de ses parties.

d) Le Droit à la ville pour tous les individus témoins des processus d'urbanisation, en leur facilitant véritablement l'accès à la ville et à la condition de citoyen. Le droit à la ville inclut le logement, l'équipement matériel et la mise en valeur sociale des quartiers, leur articulation avec l'ensemble de la ville grâce à l'accessibilité aux services centraux, des possibilités d'emploi et de formation adaptées, ainsi qu'une égalité politique et juridique de tous les habitants. Dans les quartiers et les collectivités en situation de marginalisation, qu'elles qu'en soient les raisons (économiques, sociales ou culturelles), l'exercice de ce droit peut nécessiter la mise en oeuvre de politiques de discrimination positive et de valorisation culturelle.

e) Incorporation d'objectifs de Cohésion Sociale et d'Intégration Culturelle dans toutes les politiques urbaines, pour aller à l'encontre des dynamiques de fragmentation qui découlent souvent de la globalisation économique et de réponses apportées sous forme d'initiatives ponctuelles. Les projets de développement et de rénovation urbains doivent toujours exprimer une volonté de polyvalence fonctionnelle et sociale, ainsi qu'une capacité d'intégration matérielle et symbolique de la population.

f) Généraliser l'expérience de concertation inter-administrative, dans le cadre de la conception et de l'exécution de politiques intégrées urbaines visant à résoudre les problèmes essentiels de compétitivité, de cohésion sociale et de durabilité. Ces actions requièrent normalement une forte stimulation de la part du secteur public, par l'intervention des administrations dans la phase de conception et de développement, dans le but d'atteindre un consensus social et de promouvoir un projet de ville global. A cet effet, il est également nécessaire de développer les modalités d'intervention des collectivités locales et du secteur privé, en fonction des caractéristiques de chaque action.

g) Développer le concept de démocratie et d'autonomie locales, en vertu du principe de subsidiarité ou de proximité, ainsi que le rôle de leadership promoteur des gouvernements territoriaux. Le transfert des compétences entre les différentes administrations doit se faire sur la base de ces principes et des mécanismes de financement appropriés à leur mise en application.

h) Promouvoir la participation civique par une constante innovation des procédures et des techniques de relation entre l'administration et la société civile, ainsi que de communication et de coopération. Les politiques urbaines requièrent l'adhésion des citoyens.

i) La volonté politique de faire des villes un lieu privilégié de construction d'une citoyenneté européenne, renforçant son rôle d'échange et d'intégration de tous les européens. Les villes peuvent et doivent jouer un rôle important dans les relations d'échange et de coopération avec les autres peuples et villes du monde, en particulier les moins développés.

j) Les Gouvernements nationaux et le cas échéant régionaux, dans leur double rôle de responsables de la définition des politiques communautaires européennes et de l'établissement des cadres réglementaires et financiers, ainsi que de la promotion des nombreuses interventions urbaines, doivent prendre en charge et garantir l'application de ces objectifs par leur soutien et leur participation, sous la forme la plus adéquate, au développement des politiques urbaines.

Fecha de referencia: 08-10-1997

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Ciudades para un Futuro más Sostenible
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Escuela Técnica Superior de Arquitectura de Madrid Universidad Politécnica de Madrid
Grupo de Investigación en Arquitectura, Urbanismo y Sostenibilidad
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